J’apprends aujourd’hui que Framasoft va arrêter de tenter de raisonner le Ministère de l’Éducation dite Nationale. Ça me rappelle un épisode précédent, lorsque la Quadrature du Net a abandonné ses activités de lobbying auprès de l’État. Tout ceci peut sembler extrêmement décourageant, mais il nous permet de réaliser que le chemin pris jusqu’à présent était mauvais. Il s’agit dorénavant de savoir décider quels moyens utiliser pour arriver à bon port. Et pour arriver à bon port, il faut d’abord analyser la carte.

Si on regarde la carte, la topologie de l’espace économique, on peut y voir des entités très centralisées, l’État, les multinationales, les banques, etc. Autour de ces entités centralisées, existent des entreprises plus petites, des associations, des familles, des individus. Ce qui est remarquable, c’est la proximité qu’ont ces entités centralisées avec les centres d’émission monétaires. Mais en analysant les règles sous-jacentes à la monnaie utilisée, on comprend alors que la topologie observée est cohérente avec la monnaie utilisée pour mesurer leurs échanges, la monnaie-dette :

  • La monnaie est émise en contrepartie d’un remboursement futur. D’une non-existence, elle apparaît, puis elle fond petit à petit, au fur et à mesure des remboursements. Le flux de la monnaie-dette n’est pas perpétuel. Il faut toujours travailler à provoquer un flux entrant positif. Si le flux s’arrête ou ralenti, le remboursement du crédit et de ses intérêts devient de plus en plus difficile. Lorsque le crédit est remboursé, il n’y a plus ni flux ni monnaie. Il faut recommencer pour produire et échanger à nouveau.
  • Plus on s’éloigne du centre émetteur, plus les taux d’intérêts requis en contrepartie du crédit sont élevés. C’est-à-dire que la monnaie coûte de plus en plus cher au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre émetteur. Celui qui est proche du centre émetteur peut alors faire travailler ceux qui sont plus éloignés en contrepartie de son flux monétaire. On voit alors une pyramide se former. Les composantes proches des banques centrales profiteront de prix très faibles, tandis que les composantes éloignées devront payer le prix fort.

Cette topologie implique des comportements bien particuliers pour les acteurs économiques :

  • Le flux de la monnaie rend nécessaire le contrôle privateur sur sa production. Du fait de ce flux, il faut garder pour soi ce qui permet de s’approprier ce que l’on produit, et ainsi obliger les utilisateurs de ces productions à fournir une contrepartie monétaire. Toute production qui est librement utilisable et modifiable ne peut pas s’intégrer dans un champ de valeur ou chaque acteur se bat pour ne pas être celui dont le flux monétaire se tarira.
  • Le prix de la monnaie étant moins élevé pour les gros acteurs que pour les petits, il est nécessaire de concentrer les pouvoirs et de centraliser ses capacités. Plus on est proche de la monnaie, plus il est aisé de grossir. Plus on est gros, plus on se rapproche du centre d’émission monétaire.

On voit ici que tenter de raisonner des acteurs conditionnés par la centralisation et le contrôle ne peut aboutir à aucun résultat significatif en faveur des valeurs libres. La topologie de la monnaie-dette ne permettra pas aux valeurs libres de s’épanouir.

Centralisation

Centralisation et contrôle

Il faut donc créer un nouvel espace économique, compatible avec les valeurs libres. Cet espace n’existe pas. Mais l’analogie de la carte et de la route à choisir a ses limites.

À la différence de l’espace physique, où les humains doivent faire avec la réalité physique du monde et de ses contraintes, ce sont les humains qui décident des règles organisant leurs relations. Un nouvel espace économique, dont le champ de valeur serait compatible avec les productions libres est possible. La Théorie Relative de la Monnaie met en évidence qu’une économie libre, compatible avec toute production humaine, quelle que soit sa nature, connue ou inconnue, implique une monnaie libre.

Les règles de la monnaie-libre sont décentralisées et permettent ainsi la libération des productions. La monnaie y est créée à travers un Dividende Universel, par chacun de ses utilisateurs. La topologie de son champ de valeurs est le suivant :

  • La monnaie est créée de manière perpétuelle au niveau de chaque individu. La monnaie ne peut pas se tarir, personne n’est ni le premier, ni le dernier à créer sa part monétaire, et la création de monnaie n’implique aucun engagement particulier pour ses utilisateurs.
  • La monnaie est créée proportionnellement par chaque utilisateur. Lorsqu’elle est créée, tout le monde en créé autant, proportionnellement à la masse monétaire déjà existante. Ainsi, en tout lieu et en tout temps, il n’existe aucun centre émetteur.

Cette topologie n’implique ainsi absolument aucun comportement particulier.

  • La monnaie étant créée perpétuellement et de manière proportionnelle à la monnaie existante, il n’y a pas de course entre les acteurs pour être le premier à en profiter. Chacun produit ce qu’il souhaite, comme il souhaite, sans lutte monétaire avec les autres producteurs.
  • Le flux de création de la monnaie n’évolue pas, ni dans le temps, ni dans l’espace. Chaque individu créé le même Dividende Universel. Ce Dividende Universel vaut toujours une même portion de l’existant. Il est ainsi le pilier de cette stabilité : c’est une production invariante, commune à chacun, permettant de mesurer de manière équivalente toute valeur produite.

Duniter

La monnaie libre est possible, dès maintenant. Il s’agit de la réaliser, et c’est ce sur quoi l’équipe de Duniter travaille. Il s’agit ici de produire de quoi mettre en œuvre un effet levier gigantesque. L’apparition soudaine des valeurs libres dans le champ des valeurs mesurées peut provoquer la possibilité pour de multiples producteurs d’en vivre réellement. Des formes d’organisation décentralisées, plus respectueuses de l’individu pourront apparaître et s’organiser dans cette topologie compatible avec leurs valeurs produites. Cette monnaie est nécessaire pour que puisse enfin se développer d’autres sociétés que les sociétés conditionnées par le contrôle, la centralisation et les crises telles que nous les connaissons aujourd’hui. Voyez par exemple comment la stratégie choisie par Framasoft, de se concentrer sur la décentralisation des contributions, pourrait se développer sans ces contraintes dans cette topologie.

Vous pouvez venir dès à présent contribuer au projet. Que ça soit pour expliquer, tester, développer, toutes vos capacités peuvent être utiles. Pensez à l’effet levier une fois l’apparition de cette monnaie, et voyez qu’elle peut très vite vous permettre de développer de nouvelles choses sans dépendre de l’existant.

Pour aller plus loin, vous pouvez regarder la conférence de Stéphane Laborde réalisée au Capitole du Libre 2016 à Toulouse.

 


SOURCE @ http://blog.inso.ovh/framasoft-dans-le-champ-de-valeurs-du-privateur.html