vieilles mains

Cela fait plusieurs fois que j’entends des gens de mon entourage me dire « nous sommes analphabètes » en parlant des ordinateurs et d’Internet.

C’est vrai. Dans son immense majorité les peuples de France et d’ailleurs sont totalement ignorants dans le domaine du numérique. C’est planétaire. Peut-être te sens tu toi même incompétent, peut-être as tu peur de ces machines dont on t’impose chaque jour un peu plus l’usage.

Le numérique est tombé sur l’humanité en quelques années et dirige tout aujourd’hui. Notre espèce n’a pas pu suivre cette révolution sans précédent.

C’est aussi pour ça que nos dirigeants font des conneries historiques , les décideurs sont tout aussi analphabètes dans leur ensemble que ceux qu’ils sont sensés représenter. Sauf que eux je leur en veux. Quand on est décideur, il faut savoir se déclarer incompétent.

Avant d’aller plus loin que les choses soient bien claires: la connaissance est toujours une chance, l’ignorance n’est jamais coupable. S’y connaître en informatique n’a rien de glorieux. Si quelqu’un te prend de haut parce que tu ne sais pas faire quelque chose sur un ordinateur, c’est un imbécile. L’informatique c’est comme la mécanique, la pâtisserie, le point de croix ou la médecine, si on n’a pas appris, on ne sait pas, il n’y a aucune honte à ça. Accepterais tu que ton garagiste te toise d’un « quoi? tu sais même pas changer un joint de culasse? ».

Ne te laisse pas faire. Ecoute ceux qui partagent, ignore les prétentieux.

La première chose qui doit te rassurer c’est que tu n’es pas seul. Médecins, ouvriers, artisans, juges, députés, ingénieurs, jeunes, vieux, profs, élèves, c’est transversal, tout le monde est concerné, seule une minorité d’aventuriers curieux comprend un peu ce qui se passe. C’est ce qu’il faut changer. Il ne faut plus avoir peur, il faut s’y mettre, tous ensemble, car sinon on va se faire bouffer. Il n’est pas question de devenir expert, mais d’apprendre quelques bases beaucoup plus simples qu’on ne le croit. Et il me semble qu’il y a urgence.

Le numérique n’est pas enseigné. C’est normal, les ministres de l’Education Nationale, les proviseurs, les profs n’en savent pas plus que les députés ou les horticulteurs, comme partout quelques rares passionnés et une immense majorité analphabète.

Nous avons besoin d’une éducation populaire au numérique, pour tous. Les notables et les ouvriers sur les mêmes bancs, tous ensemble, à très grande échelle, avec humilité et bienveillance.

Partout on te parle de tes données, de te méfier d’internet, mais sais-tu seulement ce que c’est que « tes données »? Il faut apprendre, se réapproprier son identité qui est aujourd’hui dispersée sur des ordinateurs partout sur la planète.

Surtout je t’en supplie ne fais pas l’erreur de croire que tu n’es pas concerné. Tout ce qui fait de toi un citoyen est aujourd’hui numérisé (état civil, impôts, assurances, comptes en banques, associations…). Refuser de s’y intéresser c’est comme accepter de mettre son portefeuille avec sa carte d’identité, sa carte bleue et son code secret sur la place du village le soir et retourner se coucher tranquillement à la maison. Dormiras-tu bien? Si tu sais que ton portefeuille est dans le tiroir du salon chez un ami sûr ça ira déjà mieux non? Savoir où sont nos données et qui y a accès est essentiel.

Nous sommes une société d’analphabètes dans un monde de l’écrit. Il faut apprendre à lire, vite. Savoir lire, c’est reprendre le pouvoir. On est faible et vulnérable quand on est perdu. Il faut changer ça.

Je répète qu’il ne s’agit pas de devenir un expert en informatique. C’est d’ailleurs une forêt de connaissances, les « informaticiens » eux même ont tous leurs domaines privilégiés, leur niveau de compétence, il faut abandonner l’idée de tout comprendre, mais une chose est certaine: quelques connaissances de bases sont accessibles à tous. Je crois que ça passe par la racine: comprendre ce que sont des données et comment elles transitent pour savoir où elles sont.

J’ai commencé à essayer d’en parler à des CE1, ils ont compris, tu comprendras aussi, j’en suis sûr. En tout cas je vais à mon très humble niveau essayer de m’investir toujours plus dans le partage du peu que je maîtrise en la matière (j’espère formaliser un peu de matériel pédagogique sur lequel je réfléchis, on verra).

Si comme on peut le craindre le Sénat suit, le saccage qui a eu lieu hier à l’Assemblée Nationale va nous coûter très cher et pour longtemps. Renouer avec les libertés individuelles et la solidarité passera à mon sens par l’abaissement du niveau des peurs. La connaissance aide à vaincre la peur. Ce sera long, ce sera souvent décourageant, qu’importe, je ne vois pas d’autre alternative: pédagogie et partage horizontal.

>>> Source @ http://jcfrog.com/blog/lettre-aux-analphabetes/